Disparition de Guy Hontarrède

HOMMAGES À GUY HONTARRÈDE (1928-2018)
Membre honoraire de l’Académie d’Angoumois

À l’Académie d’Angoumois, c’est une grande tristesse de perdre un confrère-ami. Comme j’écris sur des gens de l’ombre qui ont connu la Seconde Guerre mondiale, j’ai toujours sur mon bureau son dictionnaire historique : La Charente dans la Seconde Guerre mondiale. Le Croît Vif, notre éditeur commun, nous avait fait nous rencontrer en 2004, à Ruelle, lors de la présentation du livre où il y avait foule pour fêter son auteur. Guy Hontarrède fut très impliqué dans le fonctionnement de l’université de Ruelle, il en animait le bureau d’édition.
Il nous avait invités, mon mari et moi, à lui apporter deux de mes livres qu’il voulait offrir dédicacés. Nous avions été enchantés de l’accueil chaleureux qu’ils nous avaient réservés, son épouse et lui. Il avait autorisé mon mari à photographier l’original du tableau de Claude Bénard : Libération d’Angoulême, interprétation toute personnelle du Radeau de la Méduse qui ponctue la quatrième de couverture du dictionnaire historique. Nous avions admiré et photographié des sculptures d’un de leur ami qui fut professeur aux Beaux-Arts d’Angoulême…
Pour nous Charentais, Guy Hontarrède restera immortel par ses livres, références absolues de la période de la Résistance qu’on pourra toujours consulter à l’Alpha.
Christiane Massonnet

Permettez-moi d’ajouter quelques lignes de souvenir ému concernant la disparition de Guy Hontarrède. Tous ceux qui l’ont connu à commencer par moi-même, pour avoir partagé avec lui des projets de publication, ont été ébloui par ce que j’ai toujours appelé son engagement communiste éclairé. Au sens où il était profondément ancré en lui, en même temps qu’ouvert aux autres. Ceci lui valait un respect de tous ceux qui se sont intéressés à l’histoire charentaise de la Seconde Guerre mondiale. Car, sans forcément partager les mêmes idées politiques, ils connaissaient la grande objectivité de Guy Hontarrède à expliquer les événements tragiques de ces années de guerre, sans rien occulter des inconduites et des excès qui les ont marquées, quelle que soit leur origine partisane. Et malheureusement, ces excès furent nombreux, plus fréquents d’ailleurs côté français, entre milice et résistance, que côté allemand, malgré tout ce qu’on en a dit. Les guerres civiles sont toujours plus violentes et aveugles que la pire des occupations étrangères.
Grâce à l’accent qu’il a toujours mis sur la prééminence du document d’archives, Guy Hontarrède devint vite le garant de l’authenticité historique de toute la période. Il ne négligeait en effet aucune source et savait les croiser avec intelligence et élégance. C’est pour cette raison qu’il se mit à l’allemand et passa chaque été, pendant de longues années, à dépouiller les archives allemandes qui complétaient ainsi son travail sur celles de la Charente. Il en résultait une somme remarquable parce que très équilibrée qui lui valut parfois des critiques de ceux qui préféraient en rester à leurs souvenirs familiaux, forcément fragmentaires et le plus souvent légendaires. Cette pure approche basée sur le document fait de son œuvre historique la plus représentative et la plus sérieuse que le pays charentais ait produite sur cette période.
Après plusieurs ouvrages partiels (Ami entends-tu ? Université populaire Ruelle, 1987 ; Les Soldats dans nos campagnes ; Université populaire Ruelle, 1993), Municipalités charentaises dans la tourmente (Université populaire Ruelle, 1990), son grand œuvre reste évidemment son « dictionnaire historique » : La Charente dans la Seconde Guerre mondiale (Croît vif, 2004), un texte qui fait date et semble conclure le sujet pour un long moment.
Chaque fois que j’avais un doute quelconque sur la période, je passais un coup de fil à Guy Hontarrède et il arrivait souvent que ce doute suscite en lui une incertitude, ce qui le ravissait. « Je te remercie de ta question, elle va me permettre d’approfondir ma recherche. » Et quelques jours plus tard, me parvenait une réponse précise… Je me souviens même d’une de ses réponses concernant le père d’un faux résistant, comme il en a existé plus qu’on le dit, qui alla jusqu’à corriger manuellement au stylo-bille bleu le registre d’état-civil de son fils écrit en noir afin de prouver qu’il avait été tué dans un combat contre les Allemands…
C‘est dans les années 2008 et 2009 que j’ai eu avec Guy Hontarrède le plus grand nombre d’échanges, notamment sur plusieurs « bavures » ayant eu lieu par un groupe résistant lors de la libération du site de l’arsenal de Ruelle dont il n’avait pas eu connaissance. J’écrivais alors Le Rendez-vous de Lesterps dont le sous-titre est « Entre guerre civile et résistance morale » , et qui évoque à la fois de nombreux excès de violence inacceptable et des comportements admirables de civilité en une sorte de correctif indispensable à une vie équilibrée en société. Une fois le livre publié en 2010, les compliments qui me firent le plus plaisir furent ceux de Guy.
Son engagement le plus intime restait toutefois la rédaction de Clairière, la revue de l’association pour le « souvenir des fusillés de la Braconne » dont il était le gérant, autrement dit la cheville ouvrière.
François Julien-Labruyère

Guy Hontarrède est décédé à Ruelle dans sa 90e année le 24 février 2018. Une cérémonie de recueillement pour un dernier hommage a eu lieu le matin du jeudi 1er mars 2018 au crématorium du cimetière des Trois-Chênes à Angoulême.
Il était né à Saint-Quentin de Chalais en 1928. D’abord instituteur, il était devenu psychologue scolaire en 1961 et chargé de cours de psychologie à l’Ecole Normale d’instituteurs de la Charente. Il s’est beaucoup investi dans le fonctionnement de l’université populaire de Ruelle où il avait fondé une section reliure et animé le bureau d’édition. Il a été aussi conseiller municipal à Ruelle de 1977 à 1985.
En dehors d’un ouvrage de psychologie scolaire, il a publié d’excellents travaux sur la période 1939-1945, sur l’Occupation et la Résistance en Charente. On lui doit tout particulièrement : Ami entends-tu ? (UP Ruelle 1987), Municipalités charentaises dans la tourmente (UP Ruelle 1990), Les soldats dans nos campagnes (UP Ruelle 1993) et La Charente dans la seconde guerre mondiale, dictionnaire historique (Croît Vif 2004). Il avait été marqué par la période de l’Occupation en Charente et à l’âge de 16 ans il avait rejoint les FTP. C’est dans cette perspective qu’il a voulu par ses travaux rendre hommage à tous ces « combattants de l’ombre » dans la Résistance en Charente et alentours et qu’il a été aussi le gérant de Clairière, la revue de l’association pour le souvenir des fusillés de La Braconne.
C’est donc avec émotion que m’est parvenue en Moselle la triste nouvelle du décès de Guy Hontarrède par des amies, Christiane Massonnet, Monique Guérin, membres de l’Académie d’Angoumois et Michelle Colombier de l’ANACR. Au fil des années nous avions tissé ensemble des liens d’amitié par notre passion commune de l’histoire de la seconde guerre mondiale. Si au départ nous n’étions pas du même « bord », nous étions pourtant peu à peu devenus complices par nos recherches communes sur la période 1939-1945 et par la suite par des engagements communs dans des associations mémorielles comme l’ANACR (association nationale des anciens combattants et amis de la Résistance) et l’association pour le souvenir des fusillés de La Braconne. Et enfin, nous avions été intronisés ensemble en 1998 à l’Académie d’Angoumois aux côtés de Mgr Claude Dagens, de Jean-Marie Creuzeau et de Michel David.
Je le vois encore en train de me photographier sous toutes les coutures alors que je tenais le drapeau de l’ANACR près de la stèle d’Oradour d’Aigre pour une cérémonie commémorative en hommage au couple Gustave et Madeleine Normand, des résistants communistes morts en déportation.
Ces derniers temps, il nous arrivait de nous téléphoner mais je le sentais fatigué. Pour notre livre sur La Charente dans la guerre 1939-1945 (éditions De Borée 2015) avec Hugues Marquis qu’il connaissait depuis plus longtemps que moi, il avait accepté de nous conseiller quelque peu tout en nous disant que ses forces étaient limitées et l’empêchaient de nous aider davantage.
Nous exprimons à son épouse Josette Hontarrède, à ses enfants et petits-enfants, en même temps que notre grand respect pour tout ce qu’a accompli Guy Hontarrède, notre profonde sympathie et nos bien sincères condoléances.
Jacques Baudet